Oeuvre somme, long-métrage hommage à sa famille, confessions intimes du plus grand raconteur d’histoires… Steven Spielberg livre avec « The Fabelmans » l’oeuvre d’une vie, de sa vie et le spectateur est pris à témoin. Pour le meilleur et le pire.
« The Fabelmans » : Steven avant Spielberg.
Personne n’a jamais caché que « The Fabelmans » est le miroir fictionnel des Spielberg. Bien au contraire, tout le marketing autour du film est là. Avec ce nouveau long-métrage, Steven Spielberg, l’homme qui a raconté les meilleures histoires cinématographiques des 50 dernières années, se livre comme jamais il ne s’est livré. Enfin presque. Par petites touches, conscientes ou non (a priori plutôt non selon les interviews lues à ce sujet), les films « ET », « Rencontres du troisième type », « Jurassic Park », « Les Dents de la Mer« , la saga « Indiana Jones » et les autres ont raconté Spielberg et sa famille, ses relations avec ses parents, ses tourments adolescents, ses angoisses… Mais voilà, rien n’avait raconté Steven. Vraiment. « The Fabelmans » arrive donc à point nommé pour nous dévoiler l’enfance du réalisateur, sa passion pour les images, pour le storytelling et la recherche de la complexité des émotions. Avec l’histoire romancée de sa famille, avec l’aide de son complice, le scénariste Tony Kushner, Steven Spielberg se raconte sans détour, avec une honnêteté crue, un amour infini pour son cercle familial et une passion (pour la vie) cinématographique.
Cette oeuvre surprend, secoue et met un brin mal à l’aise. Personnellement ignorant sur les déboires familiaux des Spielberg, je ne peux que repenser à sa filmographie et découvrir à rebours les émotions et les détails cachés dans ses autres films. Se plonger à nouveau dans tous les longs-métrages de Spielby semble inévitable… mais ce n’est pas là le sujet. « The Fabelmans » décortique de manière chirurgicale la vie intime du couple Fabelman, la distance et les non-dits entre Mitzi et Burt Fabelman (formidables Michelle Williams (qui a un rôle difficile qui énerve autant qui fascine) et Paul Dano) et les conséquences sur leur progéniture et surtout sur la vie de Sammy, pris en étau entre ce père délicat, génial et fuyant et cette mère libre, mal aimée et insaisissable.
Le recul qu’a Steven Spielberg sur son enfance est fascinant. Il met des images sublimes, dures et intenses sur ses émotions, sa fuite en avant dans sa passion cinématographique, son rapport au monde, sur la maltraitance scolaire et l’antisémitisme dont il a été victime, sur la difficulté d’articuler ses pensées, sur la distance qu’il s’impose vis-à-vis de ses parents au fur et à mesure que la séparation arrive et se consume alors qu’il cherche à trouver la plus juste émotion des personnages de ses films amateurs… C’est quasi psychanalytique. Fascinant. Et cela met mal à l’aise car Steven Spielberg se met à nu, il se livre dans toute son intimité, avec ses travers, ses défauts, ses errances, ses doutes… Il n’a plus aucun secret pour nous à la fin de ces 2h30 foisonnantes, savamment réalisées et terriblement touchantes et qui éclaire toute une vie de cinéma.

« The Fabelmans » : du grand art !
La vie de Sammy Fabelman est intimement liée à ses caméras et son banc de montage. L’une des scènes les plus terribles de « The Fabelmans » est lorsque, sur l’impulsion de son père (je resterai persuadé que Burt a forcé son fils à faire le film sur Mitzi pour le mettre dans le secret), Sammy doit dérusher des images d’une virée familiale et qu’il découvrir, sur cette pellicule qu’il idolâtre tant, la liaison de sa mère avec l’ami proche de la famille. Centre névralgique du film comme de la vie de son héros et de Steven Spielberg, cette scène entraîne des conséquences terribles. Les émotions déraillent comme le train de « Sous le plus grand chapiteau du monde » ; le jeune adolescent ne sera plus jamais comme avant, il en sort détruit (le spectateur aussi). Par la suite, il cherchera aussi toujours à recréer sur ses pellicules des émotions toujours plus intenses, toujours plus réelles comme oublier celle qui a vu là, comme pour essayer d’en ressentir de nouvelles après avoir été terrassé.

« The Fabelmans » est sûrement l’un des films les plus riches, complexes et durs de ces dernières années. Il mérite absolument un nouveau visionnage, d’être décortiqué, analysé, vécu à nouveau. Il est vraiment l’oeuvre-monde de Steven Spielberg, la pièce maîtresse d’une filmographie prestigieuse. Il aurait pu être le dernier film de sa carrière que cela n’aurait pas été choquant mais heureusement pour nous, Steven Spielberg a besoin de travailler, de filmer, de mettre des images sur de nouvelles émotions et surtout de les partager avec un public. Ouf, nous voilà rassuré.e. Et impatient de découvrir ce que le cinéaste nous réserve.
Une réponse sur « « The Fabelmans », Steven Spielberg, entre émotions et pellicules »
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