Nous avons eu la joie de passer quelques jours au Festival du Cinéma Américain de Deauville, qui se déroule du 6 au 14 septembre 2024, afin d’y découvrir de jeunes talents et leurs oeuvres cinématographiques en provenance de régions variées des États-Unis mais avec beaucoup de thèmes communs : famille et religion sous toutes ses formes. Un résultat plus que satisfaisant au travers de 9 films visionnés que nous allons détailler ci-après. Bilan de notre semaine : 6 films en compétition, 3 films en avant-première (la palme d’Or Anora, A Different Man et The Thicket), 4 prix décernés (James Gray, Sebastian Stan, Michelle Williams et Mikey Madison). Revenons ensemble sur ce joyeux périple sur la côte normande, commençons par les films en avant-première !

Nous ouvrons les festivités le dimanche soir avec la projection en avant-première de The Thicket d’Elliott Lester, un western au coeur du Texas au début du 20ème siècle. Adaptation du roman éponyme de Joe R. Lansdale, le film suit le jeune Jack Parker qui réunit une bande de héros improbables, menée par le chasseur de prime Reginald Jones, à la recherche de l’infâme tueur connu sous le nom de Cutthroat Bill qui a kidnappé sa soeur. Au casting : Peter Dinklage (Game of Thrones), Juliette Lewis (Yellowjackets), Levon Hawke (Blink Twice), Esmé Creed-Miles et James Hetfield (oui, le leader de Metallica, la classe). Pas de sortie française prévue pour l’instant.
Le nom Elliott Lester ne vous dit peut-être pas grand chose mais il a pourtant dirigé Jason Statham et Arnold Schwarzenegger dans ses films Blitz et Aftermath. Habitué des thrillers d’action donc, il passe ici au western, un genre pas si facile à financer. Et nous devons dire que le long-métrage ne nous a pas totalement convaincus. D’un point de vue formel, The Thicket se distingue par une belle photographie signée Guillermo Garza qui a déjà plusieurs flèches à son arc. Ce western enneigé n’est pas sans nous rappeler ses aînés : Les Huit Salopards du maître Quentin Tarantino nous vient directement en tête. Hélas, Elliott Lester n’a pas la maîtrise de son concitoyen et son film manque de panache et d’incarnation. Si un bon film peut être jugé par la qualité de son antagoniste, et bien nous avons été déçus par la performance de Juliette Lewis qui en fait des tonnes et dont les choix artistiques et scénaristiques ne vont pas toujours en sa faveur. Reste un duo sympathique à suivre entre le personnage de Peter Dinklage (qui mérite d’être la tête d’affiche d’un grand film) et son acolyte Gbena Akinnagbe qui nous donnent envie de s’attacher à eux. Pour le reste, c’est très oubliable.

Cette soirée était également l’occasion pour le grand cinéaste américain James Gray de recevoir un prix hommage à 55 ans (peut-être un peu tôt mais mieux vaut tôt que jamais car il le mérite tant !). Sa filmographie est fascinante et hautement nécessaire :
- Little Odessa (1994)
- The Yards (2000)
- La Nuit Nous Appartient (2007)
- Two Lovers (2008)
- The Immigrant (2013)
- The Lost City of Z (2016)
- Ad Astra (2019)
- Armageddon Time (2022)
Il a dirigé et sublimé des actrices et des acteurs fantastiques : Joaquin Phoenix son acteur fétiche, Charlize Theronn, Anthony Hopkins, Marion Cotillard, Brad Pitt, Anne Hathaway, Mark Wahlberg mais aussi Sienna Miller et Charlie Hunnam dans notre chouchou The Lost City of Z. Son prochain, Mayday, est attendu pour 2025. Avec Bill Skarsgård au casting, le film suivra John Fitzgerald Kennedy lorsqu’il a combattu durant la Seconde Guerre Mondiale.

Lundi soir, c’est au tour de l’avant-première de A Different Man écrit et réalisé par Aaron Schimberg et avec Sebastian Stan (Bucky Barnes dans la série Marvel mais ce serait une grossière erreur de le réduire à ce rôle), Adam Pearson (Under The Skin) et Renate Reinsve (Julie (en 12 chapitres)). Après une opération de chirurgie réparatrice du visage, Edward (Stan) fait une fixation sur un homme qui joue son rôle dans une production théâtrale basée sur son ancienne vie. Cette comédie noire est formidable et parle avec beaucoup de sincérité d’handicap et plus particulièrement de cette maladie génétique peu connue et peu médiatisée nommée neurofibromatose qui entraîne des excroissances et des déformations de tissu nerveux. Prochainement en salles.
Il s’agissait d’un sujet délicat à traiter mais avec la présence de l’acteur, présentateur et militant Adam Pearson, il est certain que le projet était entre de bonnes mains. A Different Man est une merveille de cinéma, un petit ovni inclassable qui nous en fait voir de toutes les couleurs. À la fois drôle et triste, émouvant et dur, déjanté et d’une grande douceur. Il nous parle sans vergogne (et c’est tant mieux) d’handicap, de différence, de tolérance. Cette dualité qui vit au coeur du personnage d’Edward, formidablement interprété, et on ne le dira pas assez, par Sebastian Stan, qui a la responsabilité d’une interprétation juste et authentique. Face à lui, Adam Pearson est la vraie star du film, d’une nonchalance et d’un humour bien amené qui donnent le sourire. Le film nous questionne bien sûr sur la différence et tout ce qu’elle englobe : se l’approprier ou s’en cacher. La vivre avec honte ou avec fierté. A Different Man fait partie de ces oeuvres qui saura vous bousculer, vous confronter à vos propres préjugés. Exit le pathos et les violons qui font pleurer. Nous avons passé un super moment et nous lui souhaitons une belle carrière en salles.

Ce soir-là était également l’occasion pour l’acteur Sebastian Stan, attaché à l’Europe avec ses racines roumaines, de recevoir le prix du Nouvel Hollywood décerné par le festival à trois personnalités (Daisy Ridley, l’iconique Rey de la nouvelle trilogie Star Wars et Mikey Madison, la tête d’affiche d’Anora, la Palme d’Or 2024, le recevront aussi). Stan sera de nouveau bientôt au cinéma dans The Apprentice d’Ali Abbasi dans lequel il interprète… Donald Trump. Sortie en salles le 9 octobre prochain.

Enfin, le festival du Cinéma Américain de Deauville nous a permis de découvrir la Palme d’Or de Cannes 2024 : Anora du scénariste, réalisateur, monteur et producteur (rien que ça) Sean Baker qui s’inscrit film après film comme la référence du cinéma indépendant. Un cinéaste dont l’excellence l’a mené à gagner le prix français ultime. Pour ce nouveau long-métrage, il est allé chercher la jeune mais déjà grande Mikey Madison qui a notamment brillé dans Scream (2022) et Once Upon A Time In Hollywood de Tarantino. Une carrière encore timide qui risque fort bien de prendre son envol grâce à sa performance dans le film présenté ici. Madison et Baker, un duo en or qui risque bien d’enflammer les salles de cinéma. À voir dès le 30 octobre.
Anora est une jeune strip-teaseuse de Brooklyn qui va se transformer en Cendrillon des temps modernes lorsqu’elle épouse le fils d’un oligarque russe. Mais le conte de fées est menacé par la famille de ce dernier qui est bien décidé à les séparer. Vous ne le saviez peut-être pas mais Sean Baker n’a pas la langue (ni la caméra) dans sa poche et s’est entouré des bonnes personnes pour représenter le plus fidèlement possible à l’écran le métier de ces travailleurs et travailleuses du sexe mais aussi leurs aspirations et leurs difficultés. Pour cela, il a imaginé le personnage d’Anora ou Ani comme elle le préfère : femme libre, à la fois pleine d’assurance mais aussi d’une grande sensibilité à qui l’on fait croire monts et merveilles. Cette comédie dramatique prend une tournure inattendue et se transforme en course poursuite hilarante au coeur de New-York et de ses arrondissements. Sans temps morts, on suit avec beaucoup de plaisir les frasques de cette mauvaise troupe. Avec son montage effréné, sa bande-son « pop-ée » et ses comédiens déchaînés, Sean Baker s’en donne à coeur joie et nous balade. Évidemment, comme il le mentionne lui-même, son oeuvre doit (presque) tout à son actrice principale, Mikey Madison. Sa transformation à l’écran est totale, elle s’empare d’Anora comme personne et se met à nue dans tous les sens du terme. Amour et sexe débridé sont au coeur de la Palme d’Or 2024 dont la frénésie retrace bien toute l’oeuvre de Sean Baker.

Comme mentionné un peu plus haut, ce fut l’occasion pour Mikey Madison de recevoir, elle aussi, le prix du Nouvel Hollywood. Nul doute qu’Anora va lui ouvrir des portes, voire peut-être bien celle de la nomination « Meilleure Actrice » à la prochaine cérémonie des Oscars.

Et comme le festival du Cinéma Américain de Deauville a décidé de bien nous gâter, nous avons eu l’honneur de voir Michelle Williams recevoir le Deauville Talent Award pour célébrer une carrière bien remplie. L’actrice a également inauguré sa cabine de plage sur les célèbres planches en bord de mer. Rappelons que Michelle Williams a tourné avec les plus grands de Martin Scorsese à Steven Spielberg, en passant par son amie Kelly Reichardt mais aussi Wim Wenders, Todd Haynes ou encore Kenneth Lonergan dans le brillant Manchester By The Sea.
Et voilà pour cette première partie consacrée aux films projetés en avant-première. Nous revenons très vite pour vous parler des films de la compétition et du palmarès attendu pour ce soir, samedi 14 septembre. Restez à l’affût et merci Deauville !
