Propulsé sur le devant de la scène internationale avec « The Lobster » en 2015, le réalisateur grec Yórgos Lánthimos fascine depuis et ses films sont tous des succès critique. À Cannes, il enchaîne les Prix, année après année, pour y devenir un cinéaste incontournable. Et son « Pauvres Créatures » emprunte déjà la voie de ses aînés, gagnant du Lion d’Or à la dernière Mostra de Venise. Avec sa nouvelle actrice fétiche, Emma Stone, ils réussissent ensemble un nouveau tour de force après « La Favorite » en 2018. Toutes les louanges de ce huitième long-métrage sont fondées : c’est grandiose. À voir en ce moment dans les salles.

Synopsis : Bella est une jeune femme ramenée à la vie par le brillant et peu orthodoxe Dr Godwin Baxter. Sous sa protection, elle a soif d’apprendre. Avide de découvrir le monde dont elle ignore tout, elle s’enfuit avec Duncan Wedderburn, un avocat habile et débauché, et embarque pour une odyssée étourdissante à travers les continents. Imperméable aux préjugés de son époque, Bella est résolue à ne rien céder sur les principes d’égalité et de libération.
Pas de doute, « Pauvres Créatures » ou « Poor Things » en VO, c’est du Yórgos Lánthimos. Génie ou escroc ? Si son cinéma peut parfois nous laisser perplexes, nous devons avouer que là, il frappe fort. Plongez dans la tête de son créateur et laissez-vous transporter dans une odyssée complètement folle et nécessaire. Ce qu’il parvient à réaliser et à mettre en oeuvre ici est d’une beauté sans nom. Difficile de ne pas faire la comparaison avec le personnage du Dr. Godwin Baxter, interprété par Willem Dafoe, qui crée une expérience unique et donne naissance au projet de toute une vie. C’est une réussite en tout point et il a su s’entourer d’une équipe et d’un casting formidables : costumes, décors, musique. Un travail dantesque pour représenter à l’écran un monde à part qui s’apparente à une fable onirique et surréaliste.

Univers décadent, caméra en or, idées farfelues et amour profond du cinéma : « Pauvres Créatures » ne serait qu’une belle coquille vide sans son scénario bien tranché, adapté du roman éponyme de Alasdair Gray (1992). Le scénariste, Tony McNamara, revient à l’écriture après avoir co-écrit « La Favorite ». Entre temps, il a notamment porté à l’écran la série « The Great » avec Elle Fanning et Nicholas Hoult dont nous reconnaissons volontiers l’humour. Bella Baxter est un personnage fascinant, au potentiel immense, dont jaillit des idées et un point de vue fort sur la condition de la femme et sa perception aux yeux du monde – et plus particulièrement, aux yeux des hommes.
Magnifiquement incarnée par Emma Stone (nous manquons de superlatifs, vraiment), lauréate de la Meilleure Actrice aux derniers Golden Globes et Critics Choice Awards, nous lui présageons, à elle ou au film, une belle réussite aux Oscars dont nous attendons les nominations très prochainement. Le travail que l’actrice accompli : il faut le voir pour le croire. Au travers de son voyage initiatique où se mêlent découvertes et rencontres en tout genre (sexe, violence, science et philosophie) qui forgeront sa personne en devenir, Bella Baxter s’inscrit déjà comme un exemple d’émancipation, de liberté et d’intelligence. Il nous est fascinant de suivre sa progression tout au long du récit, de découvrir ses envies et ses doutes. Bella Stone ou Emma Baxter nous insuffle une joie de vivre et un enthousiasme communicatifs bien trop souvent réprimandés par les hommes qu’elle va croiser.

De plans marquants en tableaux splendides, Lánthimos nous balade dans sa fresque surréaliste avec beaucoup d’humour et une aisance et fluidité déconcertantes. Et si sa mise en scène est sublime, sa direction d’acteurs nous régale tout autant. Comment ne pas parler de Mark Ruffalo, incroyablement hilarant et pathétique, dans un rôle qui lui va si bien ! Ou encore, Willem Dafoe en figure paternelle, douce et aimante, Ramy Youssef et l’humoriste Jerrod Carmichael qui marquent par leur prestance en quelques scènes seulement. Vous l’aurez compris : nous avons adoré « Pauvres Créatures » et ce serait une erreur que de ne pas aller le voir sur grand écran.
Le(s) mot(s) de la fin : allez voir « Pauvres Créatures » au cinéma, maintenant.
