Le premier film de Benjamin Millepied, danseur étoile et ancien Directeur de la Danse du ballet de l’Opéra de Paris, « Carmen » sort sur nos écrans et c’est une belle proposition de cinéma, de musique et de danse. Le film doit beaucoup à son esthétisme très stylisé et à une bande son sublime signée Nicholas Britell. Mais qu’en est-il du reste ? On vous dit tout.
Carmen (Melissa Barrera), une jeune mexicaine qui tente de traverser la frontière, tombe sur une patrouille américaine. Aidan (Paul Mescal), jeune ex-marine lui sauve la vie en tuant l’un des siens. A jamais liés par cette nuit tragique et désormais poursuivis par les forces de l’ordre, ils font route ensemble vers la Cité des Anges.
Oeuvre hybride, comédie musicale, road-trip, drame et romance digne d’une tragédie lyrique dont le film et son auteur s’inspirent, « Carmen » nous a embarqué au coeur du désert à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Emprunt à la mysticité et fort de ces deux cultures qui se rencontrent au travers des personnages de Carmen et Aidan, le film nous fait voyager de par son esthétisme très appuyé et marquant. Sa beauté visuelle et sa musique omniprésente sont un délice de chaque instant. Peu de place pour le silence dans « Carmen » qui fait vivre et entendre sa bande son dans chaque séquence. Tel un personnage à part entier, la musique de Nicholas Britell est sublime et rend hommage aux plus beaux opéras français, et bien entendu, à Georges Bizet. Le compositeur américain continue de se surpasser en nous proposant, projet après projet, des bandes originales toujours plus belles les unes que les autres. Benjamin Millepied s’est réellement tourné vers la personne idéale pour son premier long-métrage. On lui doit notamment les musiques de la série « Succession », du film « Le Roi » de David Michôd, ou encore « Moonlight » et « If Beale Street Could Talk » de Barry Jenkins.
Par ailleurs, nous n’attendions pas mieux de la part d’un amoureux de la danse et de la musique, d’avoir une oeuvre composée de tableaux dansants réussis et mémorables. C’est là que nous devons souligner le travail des acteurs qui réalisent de véritables performances artistiques. En alternance du chant et de la danse, Melissa Barrera, Paul Mescal et l’envoûtante Rossy de Palma, guidés par Benjamin Millepied également chorégraphe, sont remarquables. Si le film ne réussit pas complètement à nous convaincre avec le récit qu’il a à nous proposer, nous y reviendrons juste après, nous ne pouvons nier la forte présence à l’écran de ce trio d’acteurs qui incarne chacun leur rôle du mieux que possible. « Carmen » peut compter sur son rythme soutenu où la musique et l’image vont de paire et enterrent ce vide creusé par un scénario trop lisse et convenu. Si le film essaye de moderniser une histoire vue et revue du couple marginal en fuite, elle ne tient qu’à un fil et l’épaisseur de ses protagonistes aussi.
En effet, le long-métrage est trop mécanique dans le déroulement de son récit et n’a finalement pas grand chose à raconter. Melissa Barrera et Paul Mescal nouent cette relation, qui est le coeur du film, aussi bien qu’ils le peuvent mais cela ne permet pas de cacher la pauvreté de leurs échanges. C’est là où, sans la magie qui s’opère durant les séquences musicales, « Carmen » serait bien dépourvu d’intérêt. Et malheureusement pour le casting, cette belle coquille « plus ou moins » vide se ressent fortement dans la relation amoureuse qu’ils essaient de faire vivre à l’écran. Cela manque de fougue, de passion et d’alchimie et nous arrivons au dénouement sans avoir vraiment vibrés pour eux et la fin abrupte n’a pas l’effet escompté. Finalement, nous ressortons de « Carmen » un peu frustrés mais rien qui ne viendra gâcher notre appréciation globale. Benjamin Millepied et son équipe s’en sortent plutôt bien avec cette proposition cinématographique singulière et enivrante.
« Carmen » est sorti le 14 juin dans nos salles françaises et si vous avez encore l’occasion de le découvrir, laissez-vous tenter par cette fresque musicale certes maladroite mais très généreuse.
The Spectators 